Dans les 108 pages de ce demi format A4, particulièrement cher (15$ sans compter les frais d'expédition depuis les States) et assez austère (aucune illustration sinon la couverture, pas une seule trace de couleur, papier qualité moyenne), vous apprendrez avec plus ou moins de plaisir, selon les chapitres, ce qui se cache dans les sous-sols du Club Apocalypse et comment fonctionne cet ordre de sorciers et de psychopathes qui dirige le tout New York mafieux, du sommet des gratte-ciel aux souterrains des " Gardiens de la foi " séculaires.
En première partie naturellement, l'histoire de la Destinée. Difficile de trouver plus classique, voire stéréotypé, dans l'Appel de Cthulhu… Une puissante sorcière arrive à New York au début du siècle, et avec quelques fidèles adeptes fonde bientôt un dangereux culte d'une divinité oubliée (je vous le donne dans le mille… le Chaos Rampant ? Gagné !). Evidemment, la police et la justice s'en mêlent après un sacrifice de trop et dissolvent la secte sous peu. Mais bien sûr les habituels survivants s'organisent, et arrive alors Stephen Alzis le sauveur qui reprend les choses en main… Bonjour l'imagination des auteurs ! Là, on pourrait commencer à se demander si The Fate n'est pas une arnaque - on est heureusement déçu avec la seconde partie.
Arrive ainsi la description interne de la Destinée contemporaine et de ses personnalités - enfin quelque chose à se mettre sous la dent ! On commence naturellement avec les grosses pointures : Stephen Alzis et Robert Huppert.
- Stephen Alzis : Comme dans le livre de base, son sort n'est toujours pas fixé, les auteurs préfèrent donner plusieurs options, depuis le maître-manipulateur né mais sans aucun talent occulte réel jusqu'au héraut de Nyarlathothep (dont les caractéristiques sont ubuesques : les sorts à eux seuls prennent près d'une page !). Finalement, on ne s'éloigne guère du livre de base et de ce que l'on aurait pu imaginer…
- Quant à ce cher Bélial… Son passé humain est enfin dévoilé, et fort intéressant ! En effet, quelques décades en arrière, Huppert était encore le SS Hauptscharführer Dieter Scheel, contremaître d'un projet de la Karotechia sur les bords de la Mer Noire - jusqu'à ce qu'il devienne un mort vivant au service de Glaaki, puis l'associé principal d'Alzis. Seulement, il n'a pas tout oublié de son passé nazi : chassez le naturel, il revient au galop…
- S'ensuivent deux gardes du corps très particuliers, un Congolais qui a connu le même sort que Scheel et un jeune latino (qui a 17 ans depuis 50 ans…) ainsi que le directeur des entreprises d'Alzis, un étrange Egyptien très (trop ?) british et son chat. Du très bon matériel, beaucoup d'adrénaline pour les PJs en perspective !
- Les Seigneurs sont enfin développés : on connaît à présent l'histoire de Merryweather depuis sa naissance (parfaitement superflu), et deux nouveaux Seigneurs apparaissent, celui des Rêves, un rat de bibliothèque sociopathe, et celui de la Pensée, un maniaque avec le raisonnement glacial d'une machine…
Viennent ensuite les façades de la Destinée : les Whole Earth Enterprises, une sorte de World Company mais encore plus pourrie, détenues par Alzis, leur division musicale Conqueror Worm Music, qui détient notamment le groupe Charnel Dreams, et enfin le Club Apocalypse… Là, c'est une très grosse déception : si vous avez acheté Countdown, le plan fourni en fin du livre est bien plus pratique, car The Fate se contente de menues descriptions des salles (en donnant plus d'importance à la couleur de la tapisserie qu'à ce qui s'y passe !), en plus des prix des billets d'entrée et des consommations au bar… Du travail bâclé !
On continue dans l'inutile avec la partie consacrée à Charnel Dreams. Retour sur Merryweather et ses trois acolytes parfaitement stéréotypés, qui en bons musiciens pop-rock sont forcément asociaux et apprécient bien évidemment poudre blanche, alcool, jolies fans, embrouilles avec la police, luxueux penthouses, avec juste une petite dose de Mythe pour montrer que oui, Charnel Dreams est bien un groupe trèèèès dangereux, pas seulement pour les oreilles… Si vous en avez la patience, pour pourrez ingurgiter avec joie les paroles de toutes les chansons de leur album phare, True orders - chouette alors… Là, on se dit que l'on a vraiment affaire à du remplissage, pas moins.
Enfin, histoire de retrouver quelque chose de consistant et de s'enfoncer encore un peu plus dans le Mythe, toute une collection d'ouvrages occultes, avec aussi bien les grands classiques reliés en peau humaine que quelques nouveautés. Les auteurs ont d'ailleurs eu le bon goût de donner quelques citations - les jets de SAN n'en seront que plus justifiés ! On a également droit à quelques artefacts et nouveaux sorts typiques de la Destinée, principalement axés sur Nyarlathothep et Glaaki.
A quelques pages de la fin, vous aurez droit à trois PNJs ennemis d'Alzis ou de Huppert : on retrouve le Lt. Ramirez, de la police de New York en un peu plus développé, un serviteur de Glaaki manipulé par un Grand Ancien, et enfin un général israélien chasseur de nazis - autant dire qu'ils vous serviront de chair à canon, les pauvres…
Enfin, terminons en beauté avec les parties les plus futiles : des fichiers immobiliers divers, le jargon propre aux Seigneurs et Néophytes, et le catalogue de toutes les agences fédérales, prisons et bases militaires installées à New York - ça nous fera une belle jambe !
En conclusion pour The Fate : quelques très bonnes idées noyées dans une foultitude de pistes inutiles et de remplissage flagrant - on sent pourtant que les auteurs étaient sincères, mais hélas… De plus, le prix vraiment trop élevé de ce livre très spartiate en fait presque une escroquerie - je vous conseille donc de plutôt passer votre chemin, à moins que vous ne soyez vraiment à court d'idées - mais vu le matériel déjà proposé par le livre de base et Countdown, cela est fort peu probable.
Notes version
Delta Green Eyes Only 2